vendredi 19 juillet 2013

Une année à Florent

Bah oui voilà c’est fini. Hop bonjour la deuxième année. Hop bonjour je n’aurai pas d’été puisque j’ai quasi pas de vacances et que j’ai décidé d’apprendre 4 pages de 4h48 psychose de Sarah Kane. Mais ça va, j’en suis déjà à 2. Tout ça appris dans le métro. Ouais bon, des fois je dors aussi, dans le métro.
Bref un résumé.
Ouais, ouais, des émotions, des pleurs, des rires. La vie quoi. Mais c’est pas rigolo ça.
Non. En gros.

Lundi matin. Levée à 7h. Nuit de merde. Mais motivation de ouf. Début de semaine, tu vois. T’es souriante, t’es pimpante, t’as pas encore de cernes, limite tu peux mettre des talons parce que tu sais que tu vas réussir à tenir debout. Et puis le truc dingue, t’as le temps de faire couler un café, de le siroter direct avec une clope, tu peux même regarder tes mails pendant que tes cheveux sèchent. Et même tu manges ! Et tu manges un yahourt, un fruit, un petit pain au lait, un jus d’orange. Alors là c’est bon, tu tiendras jusqu’à 12h30 sans avoir les crocs. Bref tu sors, t’es belle, t’es fière de toi, t’es fatiguée, mais rien à foutre. Tu dors pas dans le métro, tu apprends ton texte de théâtre. Ca va vite. Tu continues sur le chemin qui t’amène au boulot à répéter une tirade en boucle comme une mongole. Du coup quand tu dis bonjour à tes collègues, ils croient que tu fais la gueule, genre « mode lundi matin » alors qu’en fait t’es bien toi, t’es juste concentrée. Du coup tout roule pépère. Les copros t’emmerdent pas, t’es super sympa avec eux, tu compatis pour tes collègues qui sont eux « en mode lundi matin grosse loose ». L’aprèm’ tu le vois pas passer, t’es sur tous les fronts, tu mènes ta barque. Le soir tu te casses à 17h tout pile et tu dors toujours pas dans le métro, ça t’emmène un peu mais tu résistes et tu continues à apprendre ta tirade du matin. Et à 18h tu arrives à Jaurès. Tu fais la papote avec tes potes, tu répètes, tu refais le monde et la psychologie de ta personne et de celui que tu dois jouer. Tu exploses ton quotat de clopes de la journée en 1h30. Après, tu as 3h de cours et t’es la plus heureuse au monde car rien d’autre n’existe que ce qui se passe sous les projecteurs dans la boîte noire. Puis à 22h30 tu sors, tu papotes encore avec tes potes, tu cales la répèt de demain, tu espères que machin et truc viendront parce qu’ils ont tendance à annuler au dernier moment et ça te fout en rogne. En gros t’es chez toi à 23h15, tu tournes en rond, tu sais pas quoi faire, même ton plafond t’intéresse plus. Alors tu regardes une série. Tu finis pas l’épisode. T’as pas mangé. T’es fatigué. Tu dors.

Mardi. 7h. Tu remets le réveil. Pour qu’il sonne une nouvelle fois dans 5 minutes. Puis une seconde fois. Puis allez, une troisième pour la route. 7h15. Tu sors du lit. Tu fais chauffer le café, tu écoutes Inter. Tu attends que ton café chauffe pendant que tu prépares ton Tupperware pour le midi. Puis le café chaud tu le poses sur les chiottes. Tu prends ta douche. Tu as encore le temps que tes cheveux sèchent. T’as même le temps de te maquiller correctement et de jeter un œil dans le miroir en pied. T’as bu la moitié de ton café, tu as bu au goulot du jus d’orange, tu avales un yahourt et tu emmènes le petit pain au lait sur le chemin. Tu apprends ton texte dans le métro. Sur le chemin du RER au boulot, tu fumes ta clope. Tu arrives souriante et tu bois un café. Tout va bien. Tu tiens toute la journée. Tu résistes même encore au sommeil au retour. Tu arrives cool à Jaurès. La même que la veille. Tu te couches encore plus tard par contre mais tu sais pas pourquoi. Quand tu te couches tu mets le réveil direct à 7h15.

Mercredi. 7h15. Tu repousses le réveil. 7h20. 7h25. Tu entends le voisin ronfler. L’enfoiré. Tu allumes ta 3g, tu attends que tes mails arrivent, ou pas. Tu regardes facebook. 7h30. Tu allumes la radio. Tu fais chauffer le café. Tu te dis que tu commences à plus avoir grand-chose dans le frigo malgré le fait que tu manges pas le soir. Ca reste un mystère. Tu te dis que ce midi tu mangeras à emporter au boulot, japonais ou kebab ou une crêpe. C’est cool les tickets restos. Puis tu te douches. 7h34. C’est bon, t’es encore dans les temps. Tu t’en fous tu remets les mêmes fringues de la veille. Tu te demandes si y’a répèt ce soir ou pas et si y’a pas répèt tu iras au cinéma et tu rêveras de ne pas t’endormir au cinéma. 7h40. Tu sors de la douche. Ton café tu bois qu’une seule gorgée. Tu te maquilles. Tu sors le sèche-cheveux, ça ira plus vite. Putain ça y est c’est Pascal Clark. T’as plus que 10 minutes. Puis tu te dis que c’est pas grave, quand tu pars à 8h05 tu as encore le MONA, même quand tu pars à 8h09. Mais bon, après faut pas qu’il y ait une couille sur le métro. Alors tu speed un peu. Tu prends un pain chocolat et un café en haut du métro Pyrénées. Puis tu révises ton texte derrière tes paupières closes. Tu arrives au taf, tu souris pas, t’accuses le coup. Café. Clope. A 9h30 tu as déjà envie d’une autre clope. Tu t’énerves après le premier copro. Tu pries que ta collègue te donne pas trop de taf ou alors t’en donnes beaucoup pour rester éveillée, tu sais pas trop en fait. La journée est longue. Tu rentres, tu vas au ciné, tu dors, tu rentres chez toi, tu manges, tu te dis que tu dois faire des courses. Tu regardes la moitié d’un film. Tu mets ton plat que tu as fait en trop dans un Tupperware. Tu te couches. Tu dors derechef.

Jeudi matin. C’est le même réveil que la veille, jusqu’à 7h30. Sauf que tu fais pas chauffer le café. Tu vas à la douche comme une survie. Tu y restes longtemps. Mais tu as encore le temps de te coiffer vaguement. Heureusement la veille tu as eu l’intelligence de choisir tes fringues et de les mettre dans la salle de bains. Sur le trajet menant à Pyrénées, tu regardes tes mails et tu fumes une clope. Tu prends un café et un pain au chocolat. Tu dors dans le métro. Tu dors dans le RER. Sur le chemin tu révises ton texte dans ta tête. Arrivée, tu prends un café, une clope. A 10h tu prends un café. A 10h30 aussi. Puis à 11h. Tu as mal au ventre. Tu as faim. Tu boufferais les gens au téléphone. Tout le monde te dit « t’as une sale tête », moi je pense « je vous emmerde », tu souris. Tu dis rien. Ce soir tu as théâtre. Il faut tenir le coup. Tu espères que le prof te fera passer sur scène sinon ça sera dur de résister aux paupières qui se ferment. A 20h dans la salle de cours tu as le ventre qui gargouille. A 21h tu fumes une clope en pause. Tu n’as plus faim. Tu passes ce soir. Tu bénis ton prof. Tu te réveilles. Et du coup à 00h30 tu es toujours debout en train de manger du quatre quart car y’a vraiment plus rien dans le frigo. Tu te couches. Tu dors mal. Tu mets le réveil à 7h30.

Vendredi matin. Tu sais que ça va être la course. Tu mangeras rien ce matin, tu vas t’attacher les cheveux car ils seront pas secs, tu seras pas maquillés, tu seras habillée comme une plouc, tu seras d’une humeur de chacal. Tu dormiras à l’aller, tu n’auras pas envie de travailler. Tu penses juste que tu as hâte de rentrer chez toi et dormir. 18h. Tu te mets au lit. Tu te réveilles à 23h. T’es fraîche comme une loutre qui se ferait dorer la pilule. Tu te fais un film, en entier. Le vendredi, c’est sacré. Tu te fais les ongles. Tu te rases les jambes. Tu te fais un gommage. Tu te fais un masque. Tu fumes. Tu manges pas. Tu grignotes du fromage. Tu te couches à peu près à 3h du matin avec des yeux écarquillés. Tu dors. Tu sais pas comment. C’est le rêve de ta vie : dormir. Tu te réveilles à midi. C’est trop tôt. Tu te recouches. Tu redors. Tu te réveilles à 14h. Tu restes encore 1h scotchée au matelas à répéter ton texte à voix haute, à revoir la scène, à réfléchir. Ouais, tu prends le temps de réfléchir. Puis tu te fais un petit déjeuner de champion : café + pâtes + ton dernier yahourt. Et là tu dois trouver la motivation pour te laver, sortir faire tes courses pour la semaine. Tu le fais. Tu rentres. Tu zones. Tu sors. Tu dépenses des thunes. Tu te couches tard mais tu t’en fous, demain c’est dimanche.

Dimanche. Réveil à 10h. Pimpante. Tu comprends pas. Alors tu fais des pancakes, tu regardes un film dans ton lit. Tu redors. A 15h tu te réveilles. Tu restes 1h au lit, comme la veille. Tu te laves pas, tu restes en pyjama. Tu manges. Toute la journée. Comme une boulimique. Le soir t’as envie d’une pizza. Tu commandes une pizza. Tu as envie de regarder un polar. Tu regardes un polar. Tu enclenches ton réveil pour demain. 7h. Tu n’arrives pas à aller au lit. Tu regrettes d’avoir passé tant de temps au lit, mais tu sais que tu recommenceras la semaine prochaine.

Voilà. Un an. J’avais une excuse toute trouvée pour ne rien faire de quotidien, d’emmerdant, de désolant. Avant tu n’avais pas d’argument pour expliquer que les poussières et le lavage de vitres ça te faisaient royalement chier. Maintenant tu dis que t’as pas le temps.

Et tu penses à ça de Sarah Kane « je suis arrivée à la fin de cette effrayante, de cette répugnante histoire d’une conscience internée dans une carcasse étrangère et crétinisée par l’esprit malveillant de la majorité morale. »

jeudi 15 novembre 2012

Cours Florent - Echéance "Moteur !" - Les 7 péchés capitaux

La colère, l'orgueil, la luxure, l'envie, la gourmandise, la paresse, l'avarice.
A, B, C, C comme Colère !

"Un seul verdict, la vengeance. Une vendetta, telle une offrande votive mais pas en vain car sa valeur et sa véracité viendront un jour faire valoir le vigilant et le vertueux."
"Ces sales putes, j'aimerai bien leur tordre leur cou de poulet."
"Mes enfants, soyez les chiens !"
"Lettre de Richard - Réponse de Saladin - 9h07 un avion s'écrase sur le World Trade Center."

"La terre est notre seul refuge."
"Bienvenue pour cette deuxième partie qui s'appelle le Chien de ma Chienne, on aurait tout aussi bien pu l'appeler... Le chat de ma chatte ! Oui c'est drôle mais dans ta bouche on entend tout autre chose, répète un peu pour voir. Le chat de ma chatte !"
"Vous avez gagné un demi-cochon. Un cochon ? Vigoureux même. Vivant ?"

"La luxure est pour les héros, les conquérants."
"Ma verge coule à flot."
"Frère Jean, quand vous allez à la messe, que vous rencontrez jeunette, que vous l'allongez couchette, que faites-vous ? Amen. Je lui retire sa p'tite jupette, Domino mino, domino minette, je lui retire sa p'tite jupette, Domino. Toi, je vais te manger !"
"Là, un essaim de filles. Là, Madame Edouarda."
"J'ai 15 ans, baiser est plus important pour eux que pour moi. Hey papa !"

"Et les privations sont inévitables pour le nourrisson."
"Et après ? Après tu l'isoles un peu et tu lui fais croire que vous êtes seuls au monde."
"La nuit est bientôt finie, et tu dois devenir mienne, en même temps que le jour devient jour. Donne-moi ta main."
"Je veux tenir le couteau qui m'a tranché le cou. Rien que ça ! Je sais même pas où je l'ai mis !"

"Vous aimez votre chat ? Vous voulez le meilleur pour sa santé ?"
"Le Tô, préparation pour environ 6 ou 7 personnes."
"Je suis boulimique-anorexique. Ce soir, j'ai commencé ma crise. Mieux que la liberté, mieux que la vie !"

"Mais monte dans ce putain de train !"
"J'ai même pas le temps de mater ces délicieuses braguettes, dans le bus bondé début d'été, moi je descends au prochain arrêt."

"Aujourd'hui et seulement aujourd'hui, c'est jour de soldes, jour de grâce, jour unique, jour du petit, jour de Marie !"
"Money ! Money !"

"Jour de colère, jour de larmes."

"On a fait ce qu'on a pu !"

dimanche 9 septembre 2012

Dimanche à Paris

A Paris, quand t'es pas tout seul, il y a une musique de jazz aux pieds de Notre-Dame la nuit et des sourires plein de dents.
A Paris, quand t'es seul, qu'il ait fait beau ou pas la journée, la nuit les trottoirs sont mouillés, ils sentent la pisse de chien, et tu imagines le son craquant du vinyle et la voix de Billie Holiday derrière les fenêtres allumées des voisins.

A Paris, chez moi, il y a le petit voisin qui a regardé un dessin animé sur Canal Plus, je ne savais même pas que Ca Cartoon existait toujours. Ca m'a rappelé mes dimanche quand j'étais petite. Quand tu ne savais pas encore quel goût auraient les dimanche plus tard. Cette légère aigreur à l'idée de savoir que ton frère retrouve sa chérie ce soir, que ta meilleure amie connaît ses premiers ébats. C'est étonnant, le dimanche tu ne peux pas te résoudre à être heureux pour eux. Les autres jours, il n'y a pas de problème, mais le dimanche, tu voudrais bien que le jazz retentisse chez toi aussi et ne pas être la seule à danser dessus.
Tu penses juste que tu ne peux appeler personne.

A Paris, chez moi, il n'y a pas de jazz. C'est un peu trop cliché. Au lieu de cela il y a une casserole au milieu de la pièce parce que tu as encore un dégât des eaux. Il y a un bébé qui pleure chez le voisin. Et dans la rue il y a une voiture qui fait ronfler son moteur. Et tu aimes bien. Ca te rassure cette vie à l’extérieur. Et toi dedans. Retranchée. La tête par la fenêtre à fumer une clope et fantasmer sur la boiserie de la bibliothèque en face et des plantes vertes. C'est rassurant les plantes vertes. Autant que les livres. La vie des autres c'est rassurant. Autant que l'odeur de ta maman qui vient te border à 22h, à la fin du Carrefour de l'Odéon et qui coupe la radio avant de fermer la porte de ta chambre. Alors tu ouvres les yeux dans le noir, tu écoutes le silence de la nuit. Le chien qui aboie au loin. Les voitures qui passent plus haut. La voix basse de tes parents qui chuchotent dans le couloir et dans la salle de bains. Tu prends conscience du présent. Et tu t'endors, rassurée, car demain n'est pas encore là mais la journée est finie.

Pourquoi pas ?

Avec le P'tit Chéri, une fois on est monté sur un toit à Clermont, puis nous sommes allés dans un parc, la nuit. On dominait la ville. On a pensé dominé nos vies. On a ri. On a dit qu'on avait la vie devant nous. On a parlé de Woody Allen, on a raconté une fausse comédie romantique. Il a dit qu'il ferait le conservatoire de musique et qu'il deviendrait ethnomusicologue. J'ai dit que je plaquerai tout et que je ferai le Cours Florent. On a parié pour rire. Puis sérieusement il a demandé pourquoi on le faisait pas. J'ai dit "Pourquoi pas alors ?" Il a répondu "Pourquoi pas ouais !"
L'idée a germé. Jusqu'au bout.

Il y a une semaine j'ai mal dormi. J'attendais le mail d'inscription. Lundi je n'ai rien eu dans ma foutue boîte de réception. Mardi je m'étais promise d'appeler dans l'après-midi afin de savoir si, par hasard, ils ne m'avaient pas oublié, comme dans tous mes cauchemars de ces derniers jours. A 11h, je me suis agacée contre un copro, une collègue m'a embarquée en pause clope, ça tombait bien, elle rentrait de vacances, on avait des choses à se dire. J'ai ri. J'ai oublié. J'suis revenue. J'ai attendu midi pour regarder mes mails, on ne savait jamais. Il y avait un mail. Sur le coup j'ai pas compris. J'ai pas compris que ce n'était pas seulement pour me dire que j'étais inscrite, mais aussi pour me dire quels jours j'aurai cours, où et avec qui. Et les horaires étaient exactes. Le cauchemar a disparu.
J'ai dansé les claquettes toute la journée, j'ai tout supporté au boulot, j'ai ri toute seule. J'ai oublié mon P'tit Chéri.

samedi 30 juin 2012

J'ai rencontré un Bisounours

Y'a pas si longtemps, j'ai rencontré un Bisounours.
Cécile m'a invitée à une soirée chez des amis à elle. Rendez-vous à 20h à Barbès. Okay, donc j'avais le temps de faire la sieste en rentrant du boulot. Je me suis réveillée les yeux plissés, les fringues fripées, les cheveux en pétard. Mais qu'importe, armée d'un courage jusqu'à alors inconnu, j'ai hissé mes bottines et je me suis emmenée jusqu'à Barbès donc.

Soirée sympa avec des gens sympas autour d'un repas sympa. Bref, jusque là, rien d'anormal. Le Bisounours était déjà là bien sûr, mais à ce moment je ne savais pas qu'il s'agissait d'un Bisounours. J'aurai dû me méfier. Mais que voulez-vous, un vendredi soir dans une cour parisienne à manger africain et à boire de la vodka, on ne se méfie pas. Et puis entre nous, il était intéressant, pas trop mal. Le genre de mec banal qu'on apprécie qu'une fois qu'on lui parle. Alors nous voilà parti à parler Cannes et Roland-Garros, autant vous dire qu'à ce stade de la soirée je le regardais avec des yeux émerveillés du genre "merde ce mec c'est moi, c'est peut-être l'homme de ma vie". Je vous le dis, faut résister à la vodka. Mais ce soir-là, France Gall ne chantait pas à mon oreille "Résiste, prouve que tu existes !", non que dalle. Abandonnée par France, je me suis laissée subjuguée comme une midinette en manque. Si bien qu'entre une heure du matin et trois heures du matin, je n'avais plus de cerveau, ni de bouche, je me la faisais bouffer.
Il a fallu rentrer ensuite. Là encore, je me suis faite avoir. On a vécu un moment cinéma. A pieds, à moitié sous la flotte, devant les grilles de la gare du Nord, sur le pont au-dessus des rails, on a couru, on a ri, on s'est embrassé. Juste après on a vécu un moment loose. L'inévitable envie de pipi quand tu as bu. L'idée était de trouver un taxi et que chacun rentre chez soi. On marchait, on ne trouvait pas de taxi ou on ne voulait pas les voir, je ne sais pas très bien. On est tombé sur une station essence. J'ai fait du gringue pour obtenir les clefs des toilettes. Alors, il faut savoir que les toilettes d'une station essence à la limite du 18ème-20ème, ce n'est pas ce qu'il y a de plus glam au monde. D'où l'instant loose. Ensuite on a continué à marcher, moi je commençais à décuiter et à me demander ce que je foutais. Mais on a trouvé un taxi à Jaurès et cinq minutes après j'étais larguée à Belleville, un dernier baiser et bye-bye.
Forcément, j'ai appelé mon frère, histoire de faire un débriefing. Là on se serait cru dans une série américaine, du genre No Sex and the City. J'ai vu le soleil se lever, j'ai reçu un texto romantique, une demande de rendez-vous et mon frère qui me disait "mais vas-y fooooooonce". Je me suis couchée.

Le lendemain, j'ai recommencé les coups de téléphone. Pas de mal de crâne, merci la vodka, j'étais donc bien lucide et je me souvenais de tout. Alice, mon frère, ma tante, Charlotte, tout le monde m'encourageait. Genre match de boxe. J'ai donc foncé, sans réfléchir.
Si j'avais su qu'il m'emmènerait aux Buttes Chaumont, si j'avais su qu'aux Buttes Chaumont il y avait pleins de couples, si j'avais su qu'il m'aurait roulé un patin dans la rue, si j'avais su que j'allais perdre ma main au profit de la sienne, et bien croyez-moi, je n'y serai pas allée.
C'est donc là que s'est révélé que l'homme était un Bisounours. J'ai rien contre l'idée des câlins, des suçons dans le cou, des caresses dans les cheveux, mais... Enfin, si, je suis contre. En tout cas pas comme ça, pas par un mec que je me suis levée la veille sous alcool. Okay, il était toujours aussi intéressant. Un mec bossant dans le cinéma ne peut être qu'intéressant pour moi. Mais merde, pourquoi se croyait-il obligé de me bouffer les doigts et de me prendre pour une gamine de deux ans à me dire "hum c'est bon tes doigts, je vais les croquer !" AU-SE-COURS ! Je préférais encore l'instant loose de la station essence. Oui j'suis pas une fille romantique, oui j'suis pas une fille facile et non je vais pas faire des efforts pour un mec avec un certain potentiel sous alcool qui s'avère décevant le lendemain.

Depuis, je ne l'ai pas revu. J'ai abusé de l'annulation des rendez-vous. Je me suis étranglée quand sur mon répondeur il m'a dit "je t'appelais juste pour entendre ta voix, elle me manque." J'ai fait rire tout le monde avec mon Bisounours. Mais moi ça m'a pas fait rigoler.
Où sont passés les mecs virils pour qui tu te jetterais à leurs pieds ? Où sont passés les mecs qui te ramènent chez toi et qui veulent te suivre pour te sauter ? Non, moi je me suis trimbalée un mec qui m'a ramenée chez moi, m'a smackée et m'a dit "Allez, un dernier bisou pour la route, à plus." Sans déc', je me suis sentie vexée.

Maintenant je boude. De la déception. On me dit encore "Mais, retournes-y, dis-lui, explique-lui." Non, pas possible. Comme dirait Alice, c'est comme dans Inception, une fois qu'une idée est implantée, impossible de s'en défaire. Et je peux pas m'enlever l'idée que j'ai rencontré un Bisounours à la guimauve. J'veux pas me faire aimer, j'veux me faire désirer, c'est pas pareil. Et je vois pas pourquoi je m'expliquerai. D'autant plus que j'ai eu l'impression de le larguer alors qu'on était pas ensemble. Tout du moins pour moi. Mais bon, je pense pas l'avoir traumatisé, après tout on s'est connu moins de 24h.

La prochaine fois que je rencontre un mec intéressant, je me coupe les mains, je mets une écharpe avant (oui parce que mettre une écharpe sans main c'est pas super évident), et je me boucle la bouche, et je vais tenter d'arrêter de boire de la vodka en soirée. Putain c'est pas gagné.

jeudi 17 mai 2012

Le mois de mai

Cours Florent : okay. Même qu'on a fait des bisous sur l'enveloppe avec mon frère avant de la poster. Ouais, ouais, comme dans les films.
Les films. Cannes. Le mois de mai.
Le mois de mai c'est cool. Déjà parce qu'il y a des jours fériés et tu peux glander en peignoir la fenêtre ouverte parce qu'il commence à faire beau et que tu as envie de porter des robes avec des cerises et de boire des cocktails avec des fraises et du citron, en écoutant Porque Te Vas. Oui le mois de mai te rend ridicule. Comme de regarder Cannes dans ton lit, sous la couette, et pleurer d'émotions, sans raison. Comme d'attendre Roland Garros en te demandant, quand, mais quand !, pourras-tu te payer une place en finale homme sous le cagnard ? Et puis le mois de mai c'est le mois des anniversaires et il est rigolo de faire les boutiques en cherchant quoi offrir. Le mois de mai c'est le mois où tu vieillis. 28 ans. J'imagine encore que je grandis. En centimètres. Mais non.

Et puis le mois de mai cette année ce fut aussi le changement. Mais bon, c'est chiant d'en parler, tu préfères regarder tout ça avec des grands yeux de fille émerveillée qui n'a jamais connu la gauche au pouvoir. Ca fait un peu des chatouillis dans le ventre d'y penser. Tu regrettes de ne pas être allée à la Bastille quand même.

Le mois de mai cette année c'est aussi synonyme de fric.
Ouais ouais Paris c'est cool mais Paris c'est cher. Alors des fois quand tu as du fric qui te tombe dessus, tu ouvres juste la bouche et les bras. Façon Messie, tu vois ?
Pour une fois dans ta vie, Pôle Emploi t'aura servi à quelque chose. Pour une fois tu auras eu envie de dire aux gens qui votent à droite "oui j'ai profité du système et je vous emmerde." Pour une fois tu auras eu envie de cracher à la gueule des gosses de riches avec mépris. Pour une fois tu ne te seras pas cherchée d'excuses pour justifier ce fric tombé du ciel. Pour une fois tu ne te seras pas sentie coupable. Pour une fois tu auras compris à quoi sert la prime pour l'emploi du Trésor Public. A t'aider. Et surtout pas à te montrer du doigt façon "wah regardez une pauvre". Pour une fois tu t'en fous qu'on te dise à ton taf "elle est en bas de l'échelle" parce que tu as l'affreuse impression qu'être en bas n'est fait que pour la gravir cette putain d'échelle. Et que ceux qui sont en haut ne peuvent que la dégringoler, sans panache. Et pour une fois tu n'as pas envie de rigoler face à cette métaphore pourrie. T'es prête pour l'escalade. Parce que j'aime bien m'élever, me prouver que je suis capable de relever mes défis.

Le défi du moment c'est de faire du social au boulot, dans ce monde de requins.
Bosser dans l'immobilier c'est drôle. Je suis devenue experte en décryptage d'accent mandarin, pakistanais et portugais. Je suis devenue experte en carpette, à rendre service à tout le monde, un pied en l'air, la main dans les cheveux, le sourire à la bouche. On pourrait écrire une série américaine. Tous les jours un nouveau cas à résoudre tout en suivant la vie passionnante des héros. Promis, je le ferai, mais pas aujourd'hui.